1 pays, 2 présidents; 2 pays, 2 présidents

Publié le par ludo

Si on essaie de résumer, parce que les choses vont vite.

Le deuxième tour s'est donc passé de façon calamiteuse, avec des violences, des empêchements de part et d'autre. Les nations unies ont fait leur boulot de sécurisation et d'accompagnement du scrutin, comme prévu dans les textes, le chef de la mission de l'ONUCI devant certifier les résultats en dernier ressort, après la compilation par la CEI (Commission Electorale Indépendante) et la validation par le Conseil Constitutionnel. Les observateurs ont fait leur observation, les plus sérieux (Union africaine, Fondation Carter, Union européenne) attestant que le scrutin s'était, malgré tout, passé de façon globalement satisfaisante.

Les résultats ont été connus très vite mais contestés aussi très vite au sein même de la CEI dont la composition, même si l'opposition y est dominante, reflète le paysage politique conflictuel de la Côte d'Ivoire.

Le rôle de la CEI fait l'objet d'un débat juridique qui devra être réglé pour trouver une solution, la CEI devait elle annoncer les résultats ou seulement transférer les résultats au Conseil Constitutionnel? Devait elle le faire dans les 3 jours, à l'heure près? Les avis divergent selon les camps. En tout cas, elle l'a fait au premier tour, avec une heure de retard sur les trois jours donnés, tendant à confirmer cette version de son rôle.

Quoi qu'il en soit, la CEI n'a pas réussi, faute de consensus pour le camp Gbagbo, ou à cause d'empêchements (physiques comme le démontre la vidéo du message précédent) pour le camp Ouattara, à donner les résultats provisoires dans les trois jours. Le Conseil Constitutionnel, acquis à Gbagbo, qui en a nommé 6 représentants sur 7, s'est alors dit compétent pour analyser les résultats et les réclamations, alors que le camp Ouattara réaffirmait la compétence de la CEI pour annoncer les résultats. Youssouf Bakayoko, président de la CEI, les a finalement annoncés, mort de peur, 6 heures après le délai, soi-disant légal, après avoir été exfiltré du bâtiment de la CEI par les nations unies (UN). Le choix du lieu de l'annonce, l'hotel du golf, n'était peut être pas bien venu, étant également le QG de campagne de Ouattara et le lieu de résidence depuis quelques années, des ex-rebelles, Forces Nouvelles qui dominent le nord du pays. On peut aussi se demander pourquoi les UN ne l'ont pas exfiltré plus tôt.

A l'annonce, joie dans le camp Ouattara et mise en place, dans le camp Gbagbo, du dispositif de vol du pouvoir : changements de présentateurs des journaux télévisés, invention de nouveaux groupes d'observateurs. Déjà, auparavant, en plus d'avoir préparé ses arrières en maîtrisant le bout de la chaîne, soit le Conseil Constitutionnel, il avait profité des problèmes de violence du second tour pour instaurer le couvre-feu, histoire de limiter les possibilités de contestations et pour fermer les frontières, histoire d'éviter des renforts étrangers. Pour empêcher les ivoiriens d'être informés par les seuls journaux internationaux qui annonçaient la victoire de Ouattara, la RTI étant muette sur le sujet et ne diffusant que le démenti du Conseil Constitutionnel, l'ensemble des chaînes d'actualité internationales a été coupé.

Donc, le Conseil Constitutionnel s'empare des résultats et des réclamations et, les gros bosseurs (!!), ils épluchent à 7, en quelques heures, 22.000 PV de bureaux de vote, alors que l'ONUCI a mis 3 jours avec un staff de 100 personnes. Du bon boulot les amis! Alors que les réclamations du camp Gbagbo ne portaient que sur 3, puis 4 zones (révisant les chiffres qu'il fallait pour gagner), le Conseil Constitutionnel, bon soldat, annule les résultats de 7 départements, tous du Nord, signifiant de fait et une fois de plus que ces gens du Nord ne sont pas ivoiriens puisque leurs votes ne comptent pas. Et le Conseil Constitutionnel annonce la victoire de Gbagbo. Alors que selon la loi électorale, l'annulation partielle des votes n'est pas possible, mais on en est pas à ça prêt. On s'attendait plutôt à une annulation complète et au maintien de Gbagbo pendant 5 années supplémentaire, le temps d'organiser de nouvelles élections, de réunifier le pays et de désarmer totalement, ce qui n'a pas été le cas, les rebelles du Nord. Joie dans le camp de Gbagbo, crainte dans le camp Ouattara et surtout dans la population originaire du Nord qui se terre chez elle. Premiers affrontements de rue.

Nouveau coup de théâtre dans la même journée, Choï, le chef de la mission des nations unies en Côte d'Ivoire, représentant spécial de Ban Ki Moon, ne certifie pas les résultats du Conseil Constitutionnel mais confirme ceux de la CEI. Il assure qu'il ne peut y avoir qu'un seul vainqueur, Ouattara. Il annonce même que selon ses calculs, même en enlevant les voix considérées comme frauduleuses par Gbagbo, Ouattara reste en tête. Joie dans le camp Ouattara, gros yeux dans le camp Gbagbo avec les premières menaces, dans le langage diplomatico-aggressif du camp Gbagbo : "Si Choi ne se ressaisit pas, on demande son renvoi". Le camp Gbagbo ne reconnait bien sur plus aujourd'hui, bien que les règles l'attestent, le rôle des Nations Unis dans la certification des résultats, assurant que seules les institutions du pays sont compétentes pour le faire. Il oublie ainsi ses engagements passés, les sommes colossales engagées dans l'organisation des élections (les plus chères du monde) et la sortie de crise, le nombre d'accords pour la sortie de crise (Marcoussis, Accra I, II et III, Pretoria, Ouagadougou), plus nombreux que les accords de paix de la seconde guerre mondiale, les nombreuses résolutions des Nations Unies qui ont rythmé la vie politique ivoirienne depuis 2002, reconduisant Gbagbo en tant que président, nommant les premiers ministres....!!!

Toute la communauté internationale s'est rangée derrière la position de l'ONU, à part la Russie et la Chine (à confirmer?) invoquant, comme toujours, le principe de souveraineté des états. Je suis plutôt généralement de cet avis moi aussi, mais quand je vois comment tout a été manipulé, comment le peuple et la démocratie ont été piétinés, je remise ce principe pour aujourd'hui et ce cas présent. Bref, les UN, les USA, la France, le Royaume-Uni, la CEDEAO, l'Union Africaine, reconnaissent Ouattara comme président, et demandent à Gbagbo de respecter le vote du peuple et de reconnaitre sa défaite. Soro, premier ministre d'union de Gbagbo reconnait Ouattara, lui présente la démission de son gouvernement et est immédiatement reconduit.

Samedi, journée des prestations de serment. Celle de Gbagbo d'abord, organisée à la va-vite, presque en catimini, devant un parterre de partisans et de fidèles, alors qu'aucun ambassadeur, aucun chef d'état africain n'est représenté. Sacre de bagbo 1er, scène surréaliste, où Gbagbo, grand politicien et orateur (il faut lui reconnaître) donne des leçons de démocratie, rappelant, en toute modestie, des précédents comme Henri VIII, Napoléon 1er qui ont dû prendre le pouvoir pour sauver leur pays. Et il entame son couplet préféré, la défense de la souveraineté, fustigeant la communauté internationale, ingérente dans les affaires intérieures de son pays. Mais rappelant que de toute façon, les investisseurs de ces mêmes pays font chaque jour le pied de grue devant son bureau !

Parallèlement, Ouattara fait de même, envoyant sa prestation de serment au Conseil Constitutionnel, que ce dernier va bien sûr refuser. Encore une fois, la RTI n'en fait pas écho, contrairement aux chaines internationales que personne ne voit.

 

Bref, le pays a deux présidents aujourd'hui, mais peut on encore parler d'un seul pays alors que Gbagbo a été élu par le Sud et ne reconnait les votes du Nord et que Ouattara a été élu par le Nord.

Thabo Mbeki, ex président de l'Afrique du Sud arrive ce matin, pour essayer de régler la situation, on n'y croit guère.

On ne voit pas comment la solution peut ne pas passer par la rue !!!

 

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Z
<br /> yo si t as le temps donne qqs news<br /> <br /> <br />
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